Datant du XVIIIe siècle, la caserne militaire des Suisses à Saint-Denis est utilisée pendant la guerre comme camp d’internement des ressortissants étrangers “des puissances ennemies du Reich”. Plus de 2000 hommes y furent internés durant toute la période de l’occupation allemande (juin 1940 – août 1944).
En savoir plus sur le lieuCaserne des Suisses, Saint-Denis, Juin 1940. La Wehrmacht (armée allemande) s’installe à Saint-Denis. Elle prend ses quartiers notamment dans la caserne dite des Suisses. Cette caserne datant du XVIIIe siècle avait été bâtie pour y loger des bataillons de gardes suisses rattachés au roi de France, d’où son nom. En 1871, elle avait déjà servi de lieu de casernement à l’armée prussienne après la défaite de la France lors de la guerre entre la Prusse et l’empire de Napoléon III. Sa réoccupation constitue donc un symbole marquant.
Dès août 1940, la caserne devient le Frontstalag 220, un camp destiné à l’internement de ressortissants des « puissances ennemies du Reich », c’est-à-dire des pays en guerre avec l’Allemagne. Concrètement, les prisonniers sont uniquement des hommes, de 16 à 65 ans, des civils britanniques ou de pays du l’Empire colonial britannique installés en France : Maltais, Palestiniens, Egyptiens, mais aussi Canadiens, Australiens, Irlandais, Sud-Africains...
À la fin de l’année 1940, la caserne compte environ 2000 hommes, dépassant ainsi largement ses capacités. Cela explique le recours aux camps de Drancy et du fort de Romainville utilisés comme annexes pour une partie de ces internés. Au cours de l’année 1941, chaque camp se voit attribuer une fonction différente et seule la caserne des Suisses continue à interner ces ressortissants étrangers.
Le camp de la caserne des Suisses fait l’objet de plusieurs visites de la Croix Rouge. Une première visite fait état d’un camp « mal entretenu ». Mais, en 1941, une nouvelle visite fait mention d’un potager, de parterres fleuris et de « conditions correctes ». Une vie culturelle se développe même au sein du camp avec des bibliothèques ou encore des orchestres classiques, le jazz étant interdit, comme celui des musiciens Tom Waltham et Arthur Briggs. Les malades sont soignés à l'hôpital du Val de Grâce jusqu’en 1944, année où une partie de l’hôpital de Saint-Denis est réquisitionnée.
Le camp fut un lieu de résistance et connut quelques évasions, notamment en 1941. Le 12 novembre 1943, lors d’une perquisition à la caserne des Suisses, la Gestapo a trouvé des armes et un poste émetteur T.S.F. Un tunnel de 20 mètres a notamment été creusé dans la cave en vue d’une évasion.
Le camp est libéré avec la ville de Saint-Denis le 27 août 1944. Le site est alors transformé par le Gouvernement provisoire de la République française en camp de « suspects de collaboration avec l’ennemi » pour quelques mois. On y compte 1 312 détenus au 15 novembre 1944. Ils sont transférés dans le courant de l’été 1945 vers le camp de Drancy, la caserne des Tourelles, à Paris, et celle de Noailles, à Versailles.
À la libération en août 1944, la caserne sert d’abord temporairement de camp pour les « suspects de collaboration avec l’ennemi », c’est-à-dire de Français accusés d’avoir soutenu l’Allemagne. Elle change d’usage dans le courant de l’année 1946. Affectée à la détention de prisonniers de guerre allemands, elle devient un des lieux expérimentaux de refonte des bases de l’amitié franco-allemande à partir de la fin 1946 et jusqu’à la fin 1947. Un centre d’étude y est constitué, où les prisonniers ont accès à une bibliothèque et des conférences, avec l’objectif de leur faire découvrir la démocratie et le libéralisme avant de les renvoyer en Allemagne.
Réaffectée, en 1948, à la Direction générale des Prisonniers de guerre du ministère, la caserne est progressivement abandonnée au début des années 1960. Dans le cadre de la réforme administrative de la région parisienne de 1964, elle est envisagée pour accueillir la Préfecture de la future Seine-Saint-Denis, avant que la ville de Bobigny ne soit choisie comme ville préfecture du nouveau département. La place de la caserne, située devant celle-ci, prend le nom de place du 8 mai 1945 en 1965. À l’automne 1968, il est décidé de la construction d’un Institut Universitaire Technologique (IUT) rattaché à l’université de Villetaneuse, toute nouvelle, dont les locaux principaux vont sortir de terre à moins de 2 kilomètres.
Après plusieurs hésitations, la démolition a lieu en juin 1969 malgré une certaine émotion dans la ville. Seul demeure le fronton du pavillon central, déposé et conservé en marge de l’IUT, protégé au titre des monuments historiques en juin 1988. En plus de celui-ci, l’ancienne emprise est aujourd’hui composée d’un lycée, d’un bâtiment du CROUS (service social universitaire). La place du 8 mai 1945 est réaménagée en 1996 par les architectes Paul Chemetov et Borja Huidobro, en lien avec l’arrivée du tramway T1. Cela permet, en 1998, d’apposée une borne témoignant de l’histoire de la caserne des Suisses et son utilisation pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le camp de Saint-Denis est un oublié des politiques de mémoire. Cela s’explique probablement par le moindre intérêt porté à l’internement sans déportation, de surcroit de civils étrangers. La caserne est essentiellement présente dans la mémoire des familles britanniques dont certains membres ont été internés à Saint-Denis entre 1940 et 1945. La mairie de Saint-Denis est d’ailleurs régulièrement sollicitée par des demandes de la part de ces familles. Sa démolition a rendu encore plus fragile la connaissance de son rôle dans les dispositifs d’internement pendant la guerre. Par ailleurs, l’histoire du camp est assez peu documentée et il n’existe aucune monographie sur le thème.
La caserne des Suisses a été démolie en 1969.
Photographies
La cité de la Muette à Drancy fut réquisitionnée en 1941 par les nazis pour en faire le principal camp d’internement et de transit des Juifs de France.
Principale gare de déportation des Juifs de France vers Auschwitz-Birkenau entre mars 1942 et juin 1943. Au total, 40 450 ont été déportées depuis cette gare.
De juillet 1943 et jusqu’à l’été 1944, le principal lieu de départ de la déportation des Juifs de France. Au total, 22 500 ont été déportées depuis cette gare.
Réquisitionné par les forces d’occupation allemande en 1940, il est transformé en camp d’internement puis de transit pour les personnes résistantes et victimes de la répression.
En 1944, il sert au départ de 4 convois de déportation liés à la politique de répression, dont l’ultime convoi parti de France le 15 août 1944. Au total, 3 250 personnes ont été déportées depuis ce quai.
Utilisé pendant la guerre comme camp des ressortissants étrangers “des puissances ennemies du Reich”. Plus de 2000 hommes y furent internés durant toute la période de l’occupation allemande.
Point stratégique pendant toute la guerre, il est victime de bombardements par les deux camps ennemis. Il sert au rapatriement des prisonniers et déportés au printemps 1945.
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