Construit vers 1890, le quai aux bestiaux de la gare de Pantin était destiné au débarquement de bestiaux destinés aux abattoirs centraux de Paris, situé dans le quartier de la Villette. Il sert en 1944 au départ de plusieurs convois de déporté.es victimes de la répression, dont l’ultime convoi parti de France le 15 août 1944. Au total ce furent 4 convois qui en partirent : 3 250 déportés, dont 1 600 femmes.
En savoir plus sur le lieuGare de Pantin, 18 avril 1944. Pour la première fois, ce quai de la gare de Pantin est utilisé pour le départ d’un convoi de déportation de résistantes et de victimes de la répression. 401 femmes, arrêtées dans différentes régions de France, sont transférées vers l’Allemagne nazie, enfermées dans des wagons de marchandises. Leur destination : le camp de concentration situé à Ravensbrück en Allemagne. Un deuxième convoi suit le 13 mai sur le même principe, avec cette fois 534 femmes. Délaissé, le quai est réutilisé le 11 et surtout le 15 août, jour du dernier convoi de déportation de répression de la région parisienne et le plus important en nombre de déportés de toute l’Occupation.
Dès 1941, les premières déportations des femmes de France s’effectuent essentiellement depuis les gares parisiennes, dans de petits convois, vers les prisons du Reich. Lorsque les déportations massives débutent en 1943 les femmes détenues au fort de Romainville et à la prison de Fresnes partent du camp de Compiègne et toujours des gares parisiennes. À partir de janvier 1944, le fort de Romainville devient le lieu d’internement principal des résistantes et de regroupement avant leur déportation.
Le site de Pantin est alors choisi car il est proche du camp et permet de rejoindre la voie partant vers l’est via Noisy-le-Sec. Les deux convois de femmes du 18 avril et du 13 mai 1944 sont liés à d'importantes arrivées de détenues au camp du fort de Romainville.
Pour les convois de déportées, parmi les 14 hectares de la gare de marchandises, le quai aux Bestiaux long de 730 mètres est donc privilégié. Large de 12 mètres, il est bordé de deux voies. Il tire son nom de l’usage lié aux abattoirs parisiens de la Villette, distants d’1 km. Son architecture en rend compte, puisque le quai est pavé à hauteur des trains afin que le bétail puisse facilement sortir des wagons et un système d’évacuation des eaux a été installé. Aisément accessible en camion ou en bus, il a tous les avantages pour organiser des convois importants.
Pour des raisons logistiques et sécuritaires liées au Fort de Romainville, le choix de Pantin est abandonné après ces deux convois. À partir de fin mai 1944, les déportations s’effectuent alors toutes les semaines, dans des transports formés de voitures de voyageurs, depuis la gare de l’Est vers le camp frontalier de Sarrebruck Neue Bremm, où des convois plus importants sont reformés vers Ravensbrück. Lorsque la libération de Paris débute, Pantin est de nouveau utilisé le 11 août pour la déportation de 98 femmes. Elles auraient dû partir de Paris, mais l’avancée des Alliés, et surtout une grève insurrectionnelle des cheminots, debutée le 10 août, poussent les nazis à déplacer le départ à Pantin. Les déportées sont cependant maintenues dans des wagons de voyageurs.
Le convoi du 15 août est un convoi exceptionnel.
Par sa taille d’abord : avec 2 216 personnes, 561 femmes et 1 655 hommes, c’est le plus grand convoi parti de France. Les détenus sont français à 85 % tandis que les autres rassemblent des nationalités de pays alliés et quelques Allemands. Les camps et prisons de la région parisienne ont été vidés. Cette fois, ce sont de nouveau les sinistres wagons couverts de type K qui sont utilisés. Dans un mois d’août étouffant, ils ont été remplis au fil de la journée avec au moins une soixantaine de personnes par wagon.
Par son contexte aussi : le convoi rend compte du jusqu’au-boutisme des nazis. Pourtant ils prennent encore le temps d’opérer un « tri ». Ce sont les figures perçues comme les plus dangereuses qui sont déportées ce jour-là. Malgré la grève des cheminots, une intervention du consul de Suède et l’approche des troupes alliées, à partir de 23 h, le plus grand convoi de résistants et de victimes de la répression quitte le quai aux Bestiaux de Pantin pour l’Allemagne. Le train mettra 5 jours pour arriver au camp de concentration de Buchenwald, où les hommes recevront un matricule : séries des 76 800 à 78 500. Et un jour de plus jusqu’à Ravensbrück, où les femmes sont numérotées du matricule série « 57 000 ».
Le nombre de personnes décédées est plus important pour ce convoi que pour les trois premiers avec seulement la moitié des déportés, soit 1 170, qui rentrèrent de déportation.
Le quai aux Bestiaux fait l’objet d’un déficit mémoriel dès la fin de la guerre. Cependant, depuis le début du XXIe siècle, est prévue l’édification d’un écoquartier couvrant l’emprise de l’ancienne gare de marchandises. Un projet mémoriel est alors relancé, avec l’idée de faire connaître l’histoire, d’abord du convoi du 15 août, puis des trois autres convois découverts ensuite.
En effet, dans l’immédiat après-guerre, la seule date et le convoi du 15 août habitent les mémoires. Un certain nombre de Pantinois l’ont vu, certains ayant même essayé d’aider les déportés. Le moment de la déportation est par ailleurs associé aux combats qui suivirent, et qui provoquèrent notamment l’incendie des Grands Moulins, un site industriel emblématique de Pantin, situé sur le canal de l’Ourcq à environ 1 kilomètre de la gare. La mémoire est donc avant tout locale.
Puis en 1954, est apposée une plaque « Ici le 15 août 1944 est parti le dernier train de déportés ». Celle-ci est liée à la volonté du Préfet du Département de la Seine, Paul Haag ainsi qu’au Secrétaire général de la Préfecture Richard Pouzet, tous deux étant liés à ce convoi. Le fils du premier a été déporté tandis que le second a lui-même été déporté le 15 août.
En 1965, le cinéaste René Clément met en scène ce convoi en le reconstituant directement sur le quai pour le film Paris brûle-t-il ?.
Mais, sur un site ferroviaire de marchandises très important, les commémorations et l’usage mémoriel ne sont pas facilités pendant des années.
Le 4 mai 2000, à l’initiative de l’association des Amis du Musée de la Résistance Nationale de la Seine-Saint-Denis et de la Ville de Pantin, une nouvelle stèle est apposée au quai aux Bestiaux sur une partie de voie ferrée reconstituée symboliquement. Son texte est succinct : « Gare de Pantin, Quai aux Bestiaux. Le 15 août 1944 est parti le dernier grand convoi de déportés de la région parisienne vers les camps nazis de Buchenwald et Ravensbrück ». S’il n’est fait mention que de ce convoi, c’est parce qu’alors aucun travail n’avait été mené pour découvrir les précédents.
Pour les 60 ans de la Libération, en 2004, a lieu une cérémonie importante en mémoire du convoi du 15 août, en présence de la fille du seul déporté Pantinois de ce convoi, Robert Savreux. Un résistant qui bénéficie par ailleurs d’une plaque commémorative dans la ville.
En 2009, dans le cadre du futur aménagement de l’écoquartier, la ville de Pantin confie à l’Association pour l'Histoire des Chemins de Fer en France (AHICF) le soin de réaliser un diagnostic architectural et patrimonial des lieux et l’historien Thomas Fontaine mène un travail de recherche qui met en lumière les 3 convois ayant précédé celui du 15 août.
En 2012, le comité départemental du tourisme de Seine-Saint-Denis commande à son tour une étude pour la valorisation des lieux de mémoire, de l’internement et de la déportation en Seine-Saint-Denis, intégrant le quai aux Bestiaux au titre de son lien avec le fort de Romainville.
Toutes ces recherches poussent à ce que soit prévu au sein du futur écoquartier un espace de recueillement et de pédagogie, un Mémorial du quai aux bestiaux. Cette dynamique a conduit la Ville de Pantin à organiser le 13 mai 2024 une première cérémonie commémorant l’ensemble des convois, posant les fondements d’une nouvelle politique mémorielle.
L’accès au quai aux bestiaux est actuellement fermé au public.
Des visites ponctuelles sont organisées lors de certaines journées de commémoration.
Après la Seconde Guerre mondiale
La cité de la Muette à Drancy fut réquisitionnée en 1941 par les nazis pour en faire le principal camp d’internement et de transit des Juifs de France.
Principale gare de déportation des Juifs de France vers Auschwitz-Birkenau entre mars 1942 et juin 1943. Au total, 40 450 ont été déportées depuis cette gare.
De juillet 1943 et jusqu’à l’été 1944, le principal lieu de départ de la déportation des Juifs de France. Au total, 22 500 ont été déportées depuis cette gare.
Réquisitionné par les forces d’occupation allemande en 1940, il est transformé en camp d’internement puis de transit pour les personnes résistantes et victimes de la répression.
En 1944, il sert au départ de 4 convois de déportation liés à la politique de répression, dont l’ultime convoi parti de France le 15 août 1944. Au total, 3 250 personnes ont été déportées depuis ce quai.
Utilisé pendant la guerre comme camp des ressortissants étrangers “des puissances ennemies du Reich”. Plus de 2000 hommes y furent internés durant toute la période de l’occupation allemande.
Point stratégique pendant toute la guerre, il est victime de bombardements par les deux camps ennemis. Il sert au rapatriement des prisonniers et déportés au printemps 1945.
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